"Mon espèce"
Comme tous ceux de mon espèce je voudrais célébrer mon espèce, car mon espèce célèbre le tout du tout de mon espèce.
Mon espèce célèbre le bonheur et la peine de mon espèce, la douleur et la jouissance de mon espèce.
Mon espèce célèbre la naissance, les âges, les séparations et les retrouvailles de son espèce.
Mon espèce célèbre la joie, l'extase, la souffrance, la folie, l'horreur, les crimes de mon espèce.
Mon espèce célèbre les saints, les artistes, les poètes, les savants, les sages, les héros, les rois, les prophètes, les faux-prophètes, les bourreaux, les martyrs, les tyrans, les criminels de mon espèce.
Ainsi est mon espèce qu'elle célèbre le n'importe quoi de son espèce qui se réjouit autant de la vie que de la mort de son espèce, car mon espèce est une espèce qui détruit sa propre espèce.
Mon espèce extermine au nom du mal comme du bien, du passé comme de l'avenir de son espèce.
Mon espèce massacre mon espèce au nom de ses terres, de ses dieux, de son or, de ses croyances comme de ses incroyances.
Tout rentre, tout fait ventre dans le carnage de mon espèce par mon espèce.
Mon espèce est le meilleur auxiliaire de la mort et des souffrances de son espèce.
Mon espèce étripe mon espèce au nom de l'amour, de la liberté, de la justice, de la vérité et de tous les anciens et futurs paradis de l'espèce.
Mon espèce ravage mon espèce au nom de l'humanité comme de l'inhumanité de mon espèce.
Mon espèce pollue ce qu'elle invente de plus sacré dans le fumier de mon espèce et mon espèce tue et traite les autres espèces comme sa propre espèce.
Mon espèce entasse les bêtes qu'elle mange dans des hangars où elles pourrissent vivantes et enferme dans des camps où ils pourrissent vivants des membres de son espèce.
Mon espèce viole les femmes et les enfants de son espèce.
Mon espèce pend, fusille, bombarde, démembre, écorche, poignarde les hommes et les enfants de son espèce.
Ainsi est mon espèce, plus sanguinaire et malfaisante que toute espèce.
Même les porcs ont plus de parcelle divine dans leur couenne que mon espèce.
Même les porcs ont plus de chance de gagner l'éternité que mon espèce qui martyrise toute espèce, y compris sa propre espèce.
Claude Ber, Il y a des choses que non
• Crédits : Adrienne Arth.
Merci à Jacques Bonnaffé qui me l'a fait découvrir :
Jacques Bonnaffé lit "Mon espèce"
Le geste et l'idée
Pour partager des images sorties d'on-ne-sait-où et des textes pêchés au fil de mes lectures...
plumes du cygne noir
"Ce que nous fait voir la nature, c'est la puissance, la force qui engloutit; rien ne perdure, tout est transitoire, mille germes sont piétinés, mille en naissent à chaque instant; tout cela est plein de grandeur et de majesté, d'une diversité infinie, la beauté et la laideur, le bien et le mal, tout existe côte à côte d'un droit égal." L'art "naît des efforts déployés par l'individu pour se maintenir contre la force destructrice du tout." Goethe, Écrits sur l'art (p.89)
[je l'ai longtemps pensé ainsi... c'est presque un poncif... mais, un cygne noir passant par là, et quelques petits verres de jus sombre plus tard, je pense l'inverse : "l'art naît des efforts déployés pour épouser la force destructrice du tout"...]
"Cette obscurité lointaine, en avant du bateau, semblait une autre nuit qu'on apercevait à travers la nuit étoilée de la Terre - une autre nuit sans étoiles, nuit de l'immensité au-delà de l'Univers créé, révélée dans son immobilité terrifiante par une étroite déchirure dans la sphère étincelante dont la Terre est le noyau." Typhon, Joseph Conrad
le champ du possible
" O mon âme, n'aspire pas à la vie immortelle,
mais épuise le champ du possible... "
Pindare, 3e Pythique
de grandes choses pures
"Et ce n'est point qu'un homme ne soit triste,
mais se levant avant le jour et se tenant avec prudence dans le commerce d'un vieil arbre,
appuyé du menton à la dernière étoile,
il voit au fond du ciel de grandes choses pures qui tournent au plaisir."
Saint-John Perse, "Chanson", Anabase
"les animaux perpétuels"
"Prisonniers des gouttes d’eau, nous ne sommes que des animaux perpétuels. Nous courons dans les villes sans bruits et les affiches enchantées ne nous touchent plus. À quoi bon ces grands enthousiasmes fragiles, ces sauts de joie desséchés ? Nous ne savons plus rien que les astres morts ; nous regardons les visages ; et nous soupirons de plaisir. Notre bouche est plus sèche que les plages perdues ; nos yeux tournent sans but, sans espoir. Il n’y a plus que ces cafés où nous nous réunissons pour boire ces boissons fraîches, ces alcools délayés et les tables sont plus poisseuses que ces trottoirs où sont tombées nos ombres mortes de la veille."
André Breton et Philippe Soupault, Les Champs magnétiques, I, p. 53.
André Breton et Philippe Soupault, Les Champs magnétiques, I, p. 53.
LE GESTE OU LE COEUR
"De toute façon Picasso c’est laid, il peint un monde hideusement déformé parce que son âme est hideuse, et c’est tout ce qu’on peut trouver à dire de Picasso... il n’a aucune lumière, aucune innovation dans l’organisation des couleurs ou des formes, enfin il n’y a chez Picasso rien qui mérite d’être signalé, juste une stupidité extrême et un barbouillage priapique qui peut séduire certaines sexagénaires au compte en banque élevée."
M. Houellebecq, La Carte et le territoire
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