"Mon espèce"
Comme tous ceux de mon espèce je voudrais célébrer mon espèce, car mon espèce célèbre le tout du tout de mon espèce.
Mon espèce célèbre le bonheur et la peine de mon espèce, la douleur et la jouissance de mon espèce.
Mon espèce célèbre la naissance, les âges, les séparations et les retrouvailles de son espèce.
Mon espèce célèbre la joie, l'extase, la souffrance, la folie, l'horreur, les crimes de mon espèce.
Mon espèce célèbre les saints, les artistes, les poètes, les savants, les sages, les héros, les rois, les prophètes, les faux-prophètes, les bourreaux, les martyrs, les tyrans, les criminels de mon espèce.
Ainsi est mon espèce qu'elle célèbre le n'importe quoi de son espèce qui se réjouit autant de la vie que de la mort de son espèce, car mon espèce est une espèce qui détruit sa propre espèce.
Mon espèce extermine au nom du mal comme du bien, du passé comme de l'avenir de son espèce.
Mon espèce massacre mon espèce au nom de ses terres, de ses dieux, de son or, de ses croyances comme de ses incroyances.
Tout rentre, tout fait ventre dans le carnage de mon espèce par mon espèce.
Mon espèce est le meilleur auxiliaire de la mort et des souffrances de son espèce.
Mon espèce étripe mon espèce au nom de l'amour, de la liberté, de la justice, de la vérité et de tous les anciens et futurs paradis de l'espèce.
Mon espèce ravage mon espèce au nom de l'humanité comme de l'inhumanité de mon espèce.
Mon espèce pollue ce qu'elle invente de plus sacré dans le fumier de mon espèce et mon espèce tue et traite les autres espèces comme sa propre espèce.
Mon espèce entasse les bêtes qu'elle mange dans des hangars où elles pourrissent vivantes et enferme dans des camps où ils pourrissent vivants des membres de son espèce.
Mon espèce viole les femmes et les enfants de son espèce.
Mon espèce pend, fusille, bombarde, démembre, écorche, poignarde les hommes et les enfants de son espèce.
Ainsi est mon espèce, plus sanguinaire et malfaisante que toute espèce.
Même les porcs ont plus de parcelle divine dans leur couenne que mon espèce.
Même les porcs ont plus de chance de gagner l'éternité que mon espèce qui martyrise toute espèce, y compris sa propre espèce.
Claude Ber, Il y a des choses que non
• Crédits : Adrienne Arth.
Merci à Jacques Bonnaffé qui me l'a fait découvrir :
Jacques Bonnaffé lit "Mon espèce"